Daguerréotypes
Agnès Varda, Allemagne, France, 1976o
Daguerréotypes n'est pas un film sur la rue Daguerre, pittoresque rue du 14ème arrondissement, c'est un film sur un petit morceau de la rue Daguerre, entre le numéro 70 et le numéro 90, c'est un document modeste et local sur quelques petits commerçants, un regard attentif sur la majorité silencieuse. C'est un album de quartier, ce sont des portraits stéréo-daguérréotypés. Ce sont des archives pour les archéo-sociologues de l'an 2975.
L’un des grands documentaires modernes, Le portrait des commerçants de la rue d'Agnès Varda en 1976 - La rue Daguerre à Paris - a établi un nouveau genre, l’anthropologie tendre. En débutant sur l’excentrique pharmacie où sa fille adolescente, Rosalie, va acheter des parfums fait-maison, Varda s’introduit dans les commerces qui maintiennent cette rue vivante. Ainsi, elle exalte les sons et les images, la saveur même de la vie quotidienne - la croûte d’une baguette qui sort du four, l’aspect alcalin d’un steak franchement découpé, la somptuosité des textiles cousus-main. Elle observe également ce qui fait tourner cette rue: l’argent (cinq franc pour une escalope, 90 centimes pour du lait concentré) et les migration du monde rural à la ville pour partir à sa recherche. Observant les métiers traditionnels avec une fascination amoureuse, Varda évoque avec empathie leurs paradoxes - l’ampleur des savoir pratiques, le manque de variété d'expériences. Ces exploitants de petites entreprises (pour la plupart des couples mariés depuis de longues années) n’ont peut être pas de patrons, mais ils sont captifs de leurs magasins comme des serfs; même leurs rêves sont colonisés par les écrasants détails de la vie quotidienne. Pendant ce temps, les scènes d'un magicien local à l'œuvre dans un café voisin font allusion aux origines de l'art séduisant de Varda.
Richard Brody